La candidature de Paul Biya divise les religieux camerounais
8 janvier 2025C'est la première fois que les évêques du Cameroun critiquent d'une même voix la gouvernance de Paul Biya, nonagénaire au pouvoir depuis 42 ans. Dans son discours de fin d'année ce dernier a laissé entendre qu'il pourrait briguer un nouveau mandat.
Candidature irréaliste
Dans son homélie du Nouvel An, Emmanuel Abbo, évêque de Ngaoundéré, a ainsi dénoncé les souffrances endurées par les Camerounais :
"Comment est-il possible que l'appel désespéré à l'aide des Camerounais ne pousse pas les responsables de ce pays à vouloir mettre fin à leurs trop nombreuses souffrances ? Et la plus grave des souffrances est qu'on interdit aux Camerounais d'exprimer leurs souffrances en leur promettant que l'État est un rouleau-compresseur, un Moulinex qui réduira en bouillie tout Camerounais qui osera exprimer sa souffrance. Qui va-t-on gouverner lorsqu'on aura broyé tous les Camerounais dans le Moulinex ou qu'on sera passé sur eux avec le rouleau-compresseur ? Comment peut-on promettre la mort à ceux qui ne demandent qu'un minimum pour survivre?"
D'autres prélats se sont succédés pour faire le procès du régime, notamment Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala, ou encore Yaouda Hourgo, l'évêque de Yagoua dans l'extrême nord du pays. Tous trouvent irréaliste une nouvelle candidature de Paul Biya à la présidentielle 2025.
Pas de position commune
Alors que certains leaders religieux appellent au changement, d'autres privilégient la stabilité institutionnelle, ce qui crée un clivage inédit dans le paysage politico-religieux national. C'est le cas de l'imam central de Douala, Mouhamad Malik Farouk. Pour sa part, il qualifie les déclarations des évêques de "points de vue personnels, dépourvus de force contraignante”.
Un ping-pong interreligieux qui révèle les profondes divisions au sein de la société camerounaise sur la question de la succession présidentielle.
Part de responsabilité
Cette prise de position des évêques catholiques est d'autant plus significative que l'Église catholique au Cameroun est une institution respectée et influente. Alors pour Nestor Nzetou Félix, sociologue et pasteur, les leaders religieux ont aussi leur part de responsabilité :
"Quand vous allez à l'université catholique, vous avez plus d'un million à payer. Ils savent même que le Cameroun, comme ils le décrivent, est un pays pauvre. Comment est-ce qu'ils n'adaptent pas le prix de la scolarisation en fonction du niveau de vie du Camerounais ? Ils peuvent certainement, à travers leur sortie, influencer, mais ils ne décident pas du choix du peuple."
Le Cameroun compte près de dix millions de catholiques, soit 38,4% de la population, répartis dans 24 diocèses. Une enquête ultérieure a estimé ce chiffre à 7 millions (26%) en 2023. Cette rupture pourrait se faire sentir lors de l'élection présidentielle qui aura lieu en octobre prochain.