"Je pense que sur 100 filles, 90 ne sont pas scolarisées"
4 octobre 2021Berthe Nanga Mefant, première femme ingénieure agronome dans le Haut-Nyong et par ailleurs députée, veut redonner espoir aux filles de son département avec un projet qui favorise leur scolarisation.
Car au Cameroun, notamment dans l'est du pays, plus de 80% des filles sont sous-scolarisées ou déscolarisées. La pauvreté, le poids de la tradition et l'analphabétisme des parents sont autant d’entraves à l'éducation des jeunes filles.
Grâce á ce projet, 75 jeunes filles des établissements secondaires que comptent les quatorze arrondissements du Haut-Nyong ont reçu des kits scolaires et le financement de leurs frais de scolarité pour cette année scolaire.
Paule Rolande Mbezele a 15 ans et est élève en première. "Ce genre d'initiative rend les filles de notre âge plus fortes et nous donne le courage de poursuivre nos études, de devenir quelqu'un de meilleur dans la vie, estime-t-elle. Dans notre région, précisément à Abong Mbang, il y a tellement de filles qui ne vont pas à l'école. Je pense même que sur 100 filles, 90 ne sont pas scolarisées."
Inégalités filles-garçons
Selon Berthe Nanga Mefant, la donatrice de ce projet, les entraves culturelles, la pauvreté, les mariages et grossesses précoces sont les causes qui expliquent le faible taux de scolarisation.
Selon elle, "dans cette localité à scolarité prioritaire, les filles à partir de 15 ans sont poussées à se marier. Et quand les parents n’ont pas assez de moyens, ils choisissent entre le garçon et la fille et généralement c'est le garçon qui est privilégié parce que pour eux, la fille est un investissement pour les autres."
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La première phase du projet, estimée à près de sept millions de francs CFA, va permettre de financer les études de 75 jeunes filles. Ce sera ainsi chaque année, jusqu'à l'obtention du baccalauréat.
Des conditions à remplir
Cette nouvelle a redonné de l'espoir à Marina Bougla, 14 ans et élève en classe de seconde. Sa mère peinait à payer sa scolarité. "Ma mère a sept enfants et notre père n'est plus en vie, raconte l'adolescente. Elle doit payer les cahiers, la pension, ça devient très difficile. Je me disais que si mon papa avait été encore en vie, j’aurais pu être ingénieure. Avec ce coup de pouce, je vais être ingénieure en bâtiment."
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Cependant, pour bénéficier pleinement de ce don, il y a des conditions à remplir, précise Berthe Nanga Mefant : "Nous allons assurer leur scolarité jusqu'au bac si elles acceptent de travailler, d’avoir une moyenne de 12/20 pour aller en classe supérieure, de ne pas tomber enceinte, de ne pas se marier et d’avoir un comportement exemplaire."
Le projet, dont la phase expérimentale va s'étendre sur cinq ans, compte soutenir 150 autres jeunes filles en 2022.
Un espoir pour cette partie du pays où l'éducation des filles n'est pas perçue comme étant d'une grande importance.