Cameroun : quand les enfants parlent du conflit
24 juin 2021Armes, canons et voitures blindées : voilà ce que la plupart des enfants ont reproduit comme dessins après quinze minutes, explique Tatiana Bie, assistance sociale pour l’ONG Reach out qui vient en aide aux victimes des conflits dans les régions anglophones.
Celle-ci a juste demandé aux enfants de dessiner ce qu’ils veulent et les armes et véhicules de guerre sont apparus sur le papier.
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"Je n’étais pas vraiment surprise de voir ce type de dessins. Ils sont aussi pris entre deux feux, celui des forces de l’ordre et les séparatistes. Je me souviens avoir rencontré un enfant dont le père a été tué durant la crise. L’enfant était traumatisé. Parfois, il restait assis et versait des larmes après la mort de son père", explique Tatiana Bie.
Depuis le début de cette crise en 2016-2017, des dizaines d’écoles ont été fermées avec des élèves et des enseignants qui sont parfois pris pour cibles. En octobre dernier, l’attaque d’une école à Kumba, dans le Sud-Ouest anglophone, a ainsi causé la mort de sept écoliers.
Des enfants habitués à voir les armes
Cette série de dessins réalisés par une soixantaine d'enfants montre donc que la violence est loin d'être sporadique et qu'elle joue un rôle important dans leur vie quotidienne. "Les enfants peuvent faire la différence entre les armes", raconte le coordonnateur de l’ONG Reach out.
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Les dessins sont simples mais ils frappent par leurs détails et comportent de nombreuses références graphiques à la violence. Le docteur Shelly Evans a travaillé avec des enfants affectés par les conflits en Ouganda, en Sierra Leone et au Soudan. Elle a vu les dessins.
"Les images étaient dessinées à l'encre noire ou bleue. Mais le sang était mis en évidence avec de l'encre rouge vif, donc tout le reste était en quelque sorte fondu à l’arrière-plan. Les personnages, sur certaines photos, sourient comme s'il s'agissait d'une partie normale de leur vie ou de leurs activités quotidiennes, aussi horribles soient-elles", témoigne docteur Evans.
Privés d’éducation
Selon le coordonnateur de l’ONG Reach out, la violence affecte les enfants, notamment dans les zones rurales dont les écoles sont prises pour cibles. En novembre dernier, l’Unicef estimait à plus d’un million les enfants non scolarisés au Cameroun. Et il y a des craintes que des générations de Camerounais soient privés du droit à l’éducation.
Le conflit anglophone a conduit plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile et a causé la mort de plus de 3.500 personnes. Mardi dernier, Médecins sans frontières a demandé à Yaoundé la reprise de ses activités médicales dans les zones anglophones, eu égard à "l’ampleur des besoins sanitaires de la population".