Bénin : pas de vote à Savè, Bantè ni Tchaourou
11 avril 2021Les électeurs n’ont pas massivement fait le déplacement ce dimanche pour voter dans les villes du centre du pays qui ont connu des violences ces derniers jours.
Dans le nord du pays, le vote s’est déroulé parfois avec quelques heures de retard. Un acteur de la société civile de la ville de Parakou, la plus grande du nord du pays, a confié à la DW que les électeurs se sont déplacés pour voter. Il ajoute que l’affluence n’était pas grande dans les bureaux qu’il a sillonnés. "Il n’y avait même pas les forces de l’ordre dans les bureaux, la ville était calme", raconte-t-il.
Timide participation au centre du pays
Les villes de Savè, Bantè et Tchaourou, toutes trois dans le centre ont, elles, connu une timide participation – voire pas du tout – des électeurs au processus électoral.
Depuis lundi, ces villes sont le théâtre de manifestations contre la rallonge d’un mois et demi du mandat du président sortant, Patrice Talon. Les manifestants de l’opposition dénoncent aussi une élection exclusive à laquelle des ténors de l’opposition sont absents.
Villes presque mortes
Savè, Bantè et Tchaourou ressemblaient à des villes fantômes ce dimanche. Dans la ville de Savè, au moins deux personnes ont été tuées par balles jeudi 8 avril dernier. Ces décès sont survenus lors du déploiement de l’armée pour démolir les barrages érigés sur la principale route qui mène au nord du pays.
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"Depuis quelques jours, il y a eu beaucoup de coups de feu, ça a démoralisé et apeuré les nôtre", a indiqué à la DW le maire de Savè, Denis Oba Chabi. Il a constaté que "malgré les négociations, la ville est presque morte, c’est un silence plat. Tout est calme, pas de circulation. Les gens sont terrés dans leurs maisons, la majorité a déjà fui la ville. Dans la ville de Savè, le vote ne marche pratiquement pas. Mais dans les arrondissements ruraux, les gens continuent de voter, pas comme l’Etat l’aurait souhaité".
Kidnapping et coups de feu
Dans la ville de Bantè, un observateur a été kidnappé par des chasseurs, selon un point fait par la plateforme électorale des organisations de la société civile. Le vote n’a pas été effectif dans cette commune.
"J’ai remarqué aucune poste de vote ouvert, il n’y avait même pas de dispositif installé. Tout est vide, pas de membres de poste de vote, pas de matériel, pas de citoyens qui allaient exercer leur droit de vote", a constaté Montesquieu Hounhoui, superviseur du scrutin pour l’ONG Changement social Bénin dans les villes de Savè, Bantè et Tchaourou.
A Tchaourou, la ville de l’ancien président Boni Yayi, des coups de feu ont encore été entendus ce dimanche matin. Les populations n’ont pas pu voter.
"L’armée demande aux populations de retourner chez elles tranquillement. Les citoyens ne sont même pas en mesure de circuler dans la ville", selon un point fait dans la journée par M. Hounhoui.
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Un faible taux de participation à prévoir
Après son vote, le président sortant Patrice Talon a condamné les violences survenues dans le centre du pays. Le taux de participation reste véritablement l'enjeu de ce scrutin, alors que la victoire de Patrice Talon face aux deux autres candidats ne fait aucun doute, selon de nombreux observateurs.
"Il y a un seul qui est candidat : c’est le président sortant Talon qui est candidat contre lui-même et hors délai", dénonce l’opposant en exil et ancien ministre Valentin Djènontin. Qualifiant de "honte" le vote du dimanche, l’opposant confie être meurtri. "Je suis attristé, je suis dévasté que mon pays soit tombé aussi bas. Je me demande même si le taux de participation réel cette élection va atteindre 1%. Les gens ne se sont même pas du tout déplacés".
Un dialogue inévitable ?
L’ancien ministre de la justice sous Boni Yayi appelle à la tenue des assises nationales, la seule solution, insiste-t-il. L’opposant et ancien ministre des finances sous Boni Yayi, lui aussi en exil, Komi Koutché, demande la tenue d’un dialogue. L’un des tout premiers à appeler aux manifestations contre la rallonge d’un mois et demi du mandat de Patrice Talon, Komi Koutché demande la poursuite de la résistance de manière pacifique.
"Ce que nous demandons est tout simple, le Bénin a toujours été un pays de dialogue. C’est qu’entre fils et filles du Bénin, nous puissions nous asseoir pour nous parler et redéfinir les fondements de notre vivre-ensemble. Le dialogue sera inévitable", a déclaré à la DW Komi Koutché.
Le président Patrice Talon a rejeté ce dimanche l’organisation des assises nationales.
"Je ne vois pas pourquoi il faut des assises. Le pays est calme, les gens votent. Nous allons tout doucement amener les uns et les autres à la raison", a fait savoir le président sortant après son vote.
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