Certains opposants burundais négocient leur retour au pays
8 octobre 2019À un an de l'élection présidentielle, le pouvoir burundais tente de convaincre certains opposants de rentrer de leur exil afin de prouver à la communauté internationale que la situation est redevenue normale. Une délégation du Cnared, la principale plate-forme de l’opposition en exil, séjourne depuis samedi dernier à Bujumbura afin de négocier le retour de certains leaders toujours en exil.
La délégation est conduite par Anicet Niyonkuru, secrétaire exécutif du Cnared, par ailleurs président d’une petite formation politique, le Conseil des patriotes.
Plusieurs sources ont confirmé que les négociations avec les autorités burundaises avancent et celles-ci pourraient déboucher sur la signature d’un accord.
Conditions sécuritaires
L’ancien porte-parole du Cnared, Pancras Cimpayé, émet toutefois des réserves sur cette initiative et estime que les conditions d’un retour ne sont pas réunies.
"Pas plus tard que la semaine dernière, il y a un cadre du ministère des Sports qui a été lâchement assassiné. Comment dans ce genre de situation, pouvez-vous convaincre les hommes politiques refugiés de rentrer chez eux, au moment où même les cadres de l’Etat sont exécutés au grand jour? Si toutes les conditions étaient réunies, on sauterait dans le premier avion pour rentrer. Et ça ne serait pas Nkunrunziza qui viendrait nous supplier. On préfère rester refugiés plutôt que d'être mort au Burundi" soutient le coordinateur du Mouvement pour la solidarité et le développement de l’opposant Alexis Sinduhije, lui aussi en exil.
Calculs personnels
Même scepticisme chez Jérémie Minani, le président du Rassemblement des démocrates burundais, et porte-parole de la coalition des forces de l’opposition burundaise pour le rétablissement de l’Accord d’Arusha, signé en 200O en Tanzanie.
Lui aussi faisait partie du Cnared avant d’en claquer la porte.
"Ce retour ne me surprend pas. C'était la cause de notre divorce avec le Cnared. Ce retour ne peut pas être interprété comme un signe d'apaisement de la situation actuelle dans notre pays. Ce sont des gens qui ont eu le temps de négocier leur sécurité avec la clique qui gère illégalement notre pays. Et cela n'est pas possible pour les 500.000 réfugiés actuellement dans les pays voisins du Burundi. C'est un retour pour des raisons purement et simplement personnelles" affirme Jérémie Minani.
S’il apprécie ce pas vers la paix et la réconciliation, Anschaire Nikoyagize, le président de la Ligue Iteka, la Ligue burundaise des droits de l’homme, émet lui aussi des réserves.
Pour sa part, Pacifique Nininahazwe, président du Forum pour la conscience et le développement (Focode) dénie le statut d’opposant en exil à Anicet Niyonkuru, le président du Conseil des patriotes.
Il est à rappeler que les négociations entre une partie de l’opposition et le pouvoir burundais ont débuté depuis plusieurs mois pour organiser le retour de certains leaders en vue de leur éventuelle participation à l’élection présidentielle de mai 2020.
Un scrutin auquel, le président Pierre Nkurunziza, réélu pour un troisième mandat controversé en 2015, a promis ne pas participer.
Helsinki
De consultations discrètes ont déjà eu lieu en juillet 2017 Consultations discrètes entre l’opposition et le pouvoir burundais à Helsinki. Les représentants du pouvoir et ceux de l’opposition en exil regroupée au sein du Cnared se sont rencontré dans la capitale finlandaise, même si rien n’avait filtré de ces rencontres.
Nairobi
Le 18 septembre 2019, dans un communiqué, l’Ombudsman du Burundi Edouard Nduwimana a confirmé avoir rencontré certaines personnalités de l’opposition en exil qui ne font pas "objet de poursuites judiciaires dans le cadre de la sensibilisation au retour au pays".
Au cours de la rencontre qui a duré deux jours, l’Ombudsman a précisé qu’il ne s’agissait pas de relancer le dialogue encore moins de négocier. Pour leur part, les anciens cadres du CNDD-FDD au pouvoir, qu’on appelle les frondeurs, ont exigé entre autres la libération des prisonniers politiques, l’ouverture de l’espace politique, la modification de la CENI (commission électorale nationale indépendante, la mise à disposition des passeports pour certains d’entre eux, la levée de mandants judiciaire émis contre certains d’entre eux, la mise à leur disposition d’une unité de sécurité une fois rentrés (…).
Le communiqué cité plus haut a mentionné la volonté de ces opposants de rentrer au Burundi à une condition : "discuter de ces questions avec un représentant du Gouvernement dûment mandaté".
La DW a tenté d’obtenir, sans succès, la réaction des autorités burundaises ainsi que les membres de la délégation du Cnared.