Burkina Faso : la pression s’accroît sur les médias
16 août 2023La suspension de Radio Oméga n'est pas la première décision de ce genre prise à l'encontre d’un média au Burkina Faso.
Le président de la transition, Ibrahim Traoré, avait prévenu lors d’un entretien accordé à une télévision russe qu’il suspendrait même des médias nationaux qui feront l’apologie du terrorisme et de la violence.
Mais si Radio Oméga est suspendue, c’est pour avoir diffusé une interview d'Ousmane Abdoul Moumouni, le porte-parole du Conseil de la résistance pour la République (CRR) au Niger et conseiller du président Nigérien Mohamed Bazoum renversé par un coup d’Etat militaire. Le contenu de cet entretien a fâché l’exécutif burkinabè.
Salif Koala enseignant et membre de l’observatoire burkinabè des médias affirme que "l’espace dédié aux médias se trouve restreint".
Il regrette que cela se reproduise car, dit-il, "on est en situation de crise et on peut comprendre certains comportements. Mais le problème est que les médias sont le reflet de la société et expriment les contraintes de cette société. Si ces contraintes ont des parties prenantes contradictoires, nos médias ont une obligation de le dire. Nos médias ne sont que les reflets de notre société."
Oméga Médias saisi le Conseil d'Etat
La direction de Radio Oméga proteste contre une décision injuste et dénonce la convocation et l’audition du rédacteur en chef Abdoul Fhatave Tiemtoré par la Sûreté de l’Etat.
Elle a annoncé avoir entamé des poursuites judiciaires contre le gouvernement burkinabè en saisissant le Conseil d’Etat. C’est une décision que le gouvernement burkinabè dit assumer. Dans un communiqué, il a justifié cette suspension en relevant des propos injurieux à l’encontre des nouvelles autorités nigériennes lors de l’entretien avec Ousmane Abdoul Moumouni sur les antennes de Radio Oméga.
Selon l’exécutif burkinabè, Radio Oméga a pris des libertés inacceptables avec l’éthique et la déontologie de la profession de journaliste. "Faux" rétorque une source de la radio qui assure que l’information était équilibrée.
Cette situation fait réagir des auditeurs de Radio Oméga comme Ablassé Kabré et Olivier Lallogo :
"Il faut voir l’intérêt supérieur de la nation. N’oublions pas qu’aujourd’hui nous sommes dans la mobilisation générale. Il va falloir qu’on tienne compte de tous ces paramètres dans nos réactions et dans nos faits."
"Le publique a droit à l’information. Ce n’est pas la première fois que des médias sont suspendus au Burkina Faso."
Les autorités burkinabè se sont engagées de façon solidaire aux côtés du Niger. C’est pourquoi, elles exercent des pressions sur ceux qui ne s’alignent pas sur leur position.
L’Organisation professionnelle des médias déplore cette situation et dénonce une énième intrusion du gouvernement de transition dans la régulation de la presse.
Cela avait été déjà le cas au niveau du pouvoir judiciaire ou des magistrats ont dénoncé l’intrusion des militaires au Palais de justice pour exfiltrer une prévenue. Le magistrat Bruno Zabsonré avait vivement réagit à ce moment-là :
"C’est une situation suffisamment grave surtout que nous nous trouvons dans une crise sécuritaire inédite. Si des militaires peuvent se retrouver dans un Palais de justice pour libérer un prévenu placé sous mandat de dépôt du procureur du Faso, je ne pense pas que les magistrats peuvent sereinement travailler dans ces conditions."
Le Conseil supérieur de la magistrature a, dans un communiqué du 9 août, interpellé le président de la transition sur sa qualité de garant constitutionnel et insisté sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.