Burkina Faso : vivre sous l'autorité des groupes armés
3 novembre 2023Exactions, enlèvements, restrictions de l'acheminement de l'aide humanitaire et de la libre circulation…Selon Amnesty International au Burkina Faso, près d'un million de personnes vivent dans des localités assiégées par les groupes armés. L'organisation de défense des droits humains a enquêté sur les conditions de vie dans les 46 villes et villages concernés.
Impossibilité de travailler
Samira Daoud, directrice régionale d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale précise que "ce sont des populations complètement coupées du reste du pays, sous contrôle des groupes armés et privées d'un certain nombre de droits, notamment la possibilité d'accéder à leur champ".
Elle poursuit en expliquant que "ces populations se trouvent empêchées d'emmener leurs bêtes pour le pâturage, ou privées de leurs droits à l'éducation et à la santé".
Aujourd'hui, la majorité du territoire échappe au contrôle de l'armée burkinabè. Depuis le début de l'année, plus de 1300 civils auraient été tués, selon l'ONG ACLED. Le rapport d'Amnesty International épingle les groupes armés et les forces gouvernementales, qui s'affrontent depuis 2019.
"Dans ces localités les groupes armés mènent des attaques directement contre les civils, soit par attaques meurtrières contre des personnes soit par des enlèvements, notamment les enlèvements de femmes quand elles vont chercher l'eau. Mais on a aussi eu des cas malheureusement d'exactions commises par les forces armées considérant que ces populations étaient complices des groupes armés", explique Samira Daoud.
Difficulté d'acheminer l'aide alimentaire
Dans les villes assiégées, l'aide alimentaire arrive au compte-goutte et dépend en grande partie d'un pont aérien coûteux. Dans certains endroits, les populations peinent à se nourrir.
La directrice régionale d'Amnesty International souligne que la perturbation complète de l'économie dans ces zones, où les marchés sont vides. Selon elle, "les axes routiers qui conduisent à ces localités sont régulièrement attaqués, il y a des engins explosifs improvisés qui sont posés. Les organisations humanitaires tentent comme elles peuvent d'apporter une réponse même si c'est entravé par le contexte général".
"Il y a aussi un certain nombre de mesures du gouvernement qui limitent leur capacité à intervenir, elles sont obligées d'être escortées militairement pour pouvoir accéder à ces localités, ce qui pose un problème de principe de neutralité pour les organisations humanitaires", poursuit Samira Daoud.
Selon le Conseil national de secours et de réhabilitation, plus de deux millions de personnes ont dû fuir leurs habitations depuis le début du conflit. L'ONU estime qu'un Burkinabè sur cinq a besoin d'aide humanitaire et s'inquiète d'un gap de financement important pour répondre à la crise.