Bozizé, un putschiste professionnel selon Thierry Vircoulon
28 décembre 2020Thierry Vircoulon est coordonnateur de l'Observatoire de l'Afrique australe et centrale à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales et il suit la situation en RCA de près.
Entretien :
Thierry Vircoulon : On se retrouve dans une situation très paradoxale de voir les Nations unies et l'Union européenne soutenir des élections non-démocratiques et en fait préférer une apparence de légalité à un vrai jeu politique honnête.
DW : Hier, dimanche 27 décembre, l'ancien président François Bozizé a clairement apporté son soutien à la CPC, la Coalition des Patriotes pour le changement, qui menace depuis quelques jours de prendre Bangui. Est ce qu'une telle action n'est pas dommage pour un ancien chef d'État ?
Thierry Vircoulon : C'est quand même un putschiste professionnel. Il est à l'origine de nombreux coups et c'est un coup d'État qui l'a porté au pouvoir en 2003. Il reste fidèle à lui même en lancant une vaste offensive. Mais par contre ce qui est dommage, c'est qu'on voit à quel point l'opposition démocratique, les partis démocratiques qui sont en Centrafrique restent très minoritaires et ont une influence très limitée. Ils sont pris un peu entre le marteau et l'enclume, c'est à dire entre le parti au pouvoir et puis les groupes armés. Et on voit que dans cette triangulation que fait la politique centrafricaine, les partis d'opposition ont vraiment un rôle très mineur.
DW : Donc, vous voulez dire que les candidats qui ont affronté le président Faustin Archange Touadéra lors de la présidentielle ont peu de chance ? Ce sont des poids plumes, c'est ça?
Thierry Vircoulon : D'une part, ils ont peu de chance et d'autre part, ils n'ont pas réussi à avoir une position vraiment commune et à faire un véritable front commun face au parti au pouvoir. Et notamment, ils ont eu beaucoup de mal à se positionner dans ce qui s'est passé la semaine dernière entre le président Touadéra qui veut à tout prix des élections, quels que soient les conditions, et puis les groupes armés qui eux, voulaient repousser les élections. Ils n'ont pas pu faire entendre une voix cohérente et proposer une véritable alternative entre les deux.
DW : En conclusion, le président Faustin Archange Touadéra peut bien profiter de cette incoherence et de cette désunion des opposants centrafricains ?
Thierry Vircoulon : Oui, tout à fait. Je pense (....) qu'il force cette élection et qu'il a insisté autant pour que l'élection se tienne même si aucune des conditions n'est réunie. C'est parce qu'il se sent en position forte.