En cette Journée internationale des femmes, intéressons-nous à la présence des femmes dans les sphères de décision de la vie politique. Au Bénin, par exemple, il y a une avancée depuis quelques semaines : les femmes élues au parlement sont plus nombreuses : elles sont 29 sur 109 députés. Elles représentent certes à peine un quart du parlement mais c’est une avancée, selon Huguette Bokpè Gnacadja, secrétaire exécutive de l’Institut national de la femme. Elle revient sur les premiers pas des femmes députées quasiment un mois après leur installation. La militante des droits des femmes est interrogée par Reliou Koubakin. Entretien...
DW : Pouvons-nous dire que le bureau du parlement, dans sa composition actuelle est un échec parce qu'il n'y a qu'une seule femme pour l'instant en tout cas, dans ce bureau-là ?
Si on ne regarde que le bureau, on peut être tenté de dire que c'est un échec. Mais je crois qu'il faut considérer tout le contexte, en fait, de la présence d'abord de beaucoup plus de femmes que précédemment. C'est vrai qu'au bureau de l'Assemblée, il n'y a qu'une seule femme qui est deuxième questeur. Quand on regarde tout cela et qu'on sait d'où nous venons... Moi je crois qu'on a des raisons de se dire que pour la première fois dans l'histoire de notre Parlement, en tout cas depuis les années 90, on retrouve un certain nombre de femmes. Il ne faut pas oublier non plus que nous sommes dans l'arène politique par excellence.
DW : En clair, les hommes continuent de dominer la vie politique, notamment dans les institutions.
Ah oui ! C'est-à-dire que, aussi bien les élections que le temple, si je puis ainsi l'appeler, le Parlement, reste encore largement dominé par les hommes. Je suis d'une nature qui est toujours optimiste parce qu'il faut se souvenir qu'il y a des parlements précédents, il y a des législatures précédentes au cours desquelles la question des mesures temporaires spéciales que d'autres appellent mesures de discrimination positive, n'étaient pas du tout à l'ordre du jour. A l'époque, il n'y avait presqu'aucune chance de voir les femmes aussi nombreuses, parce que c'est aussi dans le nombre et dans dans l'intégration des femmes dans les différentes structures de l'assemblée qu'on peut vraiment asseoir une présence féminine qui va apporter une diversité de voix, une complémentarité dans la réflexion. Donc, on vient de loin et moi je veux rester optimiste.
DW : Alors, on a maintenant 29 femmes sur 109. Est-ce que c'est une avancée maintenant ?
C'est une avancée. C'est une avancée, parce que c'est la première fois depuis 1990, si j'ai bonne mémoire, que nous avons un tel pourcentage, au sein du Parlement. On était encore à 7,23 % la législature précédente. C'est vrai qu'on a dû porter des béquilles, mais quand même, c'est la première fois que nous avons ce pourcentage au sein du Parlement.
DW : Alors, est-ce que les béquilles dont vous parliez, c'est justement cette discrimination positive qu'il y a eu ? Donc, ça veut dire en gros, s'il n'y avait pas eu cela, peut-être qu'on aurait eu moins de femmes ?
S'il n'y avait pas cela, je n'ose pas imaginer. Disons que nous sommes vraiment dans l'exemple parfait de l'utilité des mesures temporaires spéciales. L'empreinte de la masculinité dans cette élection, elle n'a pas changé.
DW : Est-ce que ça veut dire qu'au Bénin, les pesanteurs sociologiques, perdurent toujours ou les hommes ne veulent pas laisser leurs femmes s'émanciper politiquement ? Ou encore, ce sont les hommes politiques qui freinent l'émancipation politique des femmes ?
Bon, vous savez, moi je crois que plusieurs facteurs sont en jeu. C'est clair, nous sommes dans un système où le patriarcat a encore la vie dure. Nous sommes en politique et en politique. tout le monde est à la recherche de personnes qui ont de grosses carrures politiques. Donc, ça fait que c'est doublement masculinisé, si je puis ainsi dire.
DW : Pensez-vous à l'Institut national de la femme, que les 29 députées qui sont là, qui sont élues, sont à l'image de la femme au sein de la société béninoise ? Est-ce qu'elles sont représentatives ?
Vous avez des femmes qui ont déjà fait l'expérience de législatures, vous en avez d'autres qui sont toutes nouvelles, qui ont tout à apprendre, mais qui sont des femmes dynamiques. Vous avez des femmes qui représentent diverses catégories de professions, de métiers. Nous avons là un tableau nouveau et nous restons très, très optimistes. Ce qu'il faut maintenant, c'est un accompagnement.
DW : Avez-vous justement observé leurs premiers pas ? C'est rassurant ? Vous les avez entendu prendre position déjà ou c'est trop tôt ?
C'est plutôt tôt parce que c'est tout frais. Mais justement, elles vont faire leurs premiers pas avec nous, avec l'Institut national de la femme, puisque dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la femme, nous allons les recevoir le 9 mars prochain. Que faisons-nous pour que, dans trois ans, à la fin de votre mandat, les hommes et les femmes de ce pays puissent dire on a eu raison, c'est bien d'avoir eu plusieurs femmes au Parlement.