Faut-il avoir peur des milices d'autodéfense au Niger ?
25 novembre 2021A Tillabéri, dans la zone dite des "trois frontières" entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, une région particulièrement touchée par les attaques djihadistes, des milices d’autodéfense sont bien présentes en vue d’assurer la sécurité de la région. Même constat à Tahoua toujours dans l’ouest du pays.
Ibrahim Yahaya Ibrahim, analyste principal pour la région du Sahel à l’International Crisis Group, explique la création de ces groupes.
"Depuis le début de l'année, on a constaté une augmentation de la violence djihadiste dans ces régions. Ils ont commencé à parcourir les villages pour dire aux populations que désormais, les zones leur appartiennent. Ils ont commencé à prélever la zakat, le racket des animaux et autres taxes. Et face à cela, les jeunes ont commencé à s'organiser pour protéger leurs communautés", explique le chercheur.
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Sentiment d'abandon
Adamou Oumar est coordonnateur à Tillabéri du Rotab, une organisation de la société civile. Pour lui, les populations n’ont d’autres choix que d’assurer elles-mêmes leur sécurité.
"La région fait face à des attaques récurrentes et la population se sent abandonnée. Elle n'a pas le choix car les gens sont tués comme des mouches sans qu'il n'y ait des actions concrètes contre les groupes armés", estime Adamou.
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Responsabilité de l'Etat
Mahamane Kaka de l’Association alternative espace citoyen, dénonce la prolifération de ces groupes d’autodéfense. C’est à l’Etat, dit-il, que revient la responsabilité d’assurer la sécurité des citoyens.
"Dans un Etat où on demande aux citoyens de se défendre, je crois que c'est une faillite de l'Etat et une fuite de responsabilité. Nous sommes contre la création de ces milices. C'est de la responsabilité de l'Etat de protéger les populations. Je ne sais pas, là où les forces de défense et les forces spéciales, n'ont pas réussi, comment les populations civiles qui ne savent pas manier les armes, pourraient le faire ", dit l'activiste de la société civile.
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Risques pour la cohésion sociale
La prolifération de ces milices d’autodéfense pourrait avoir des conséquences sur la coexistence entre différentes communautés prévient Adamou Oumar, coordonnateur à Tillabéri du Rotab.
"C'est un risque potentiel pour la coexistence pacifique. Des gens peuvent utiliser les armes pour des règlements de compte en s'attaquant à d'autres", prévient Adamou Oumar.
En visite début novembre à Banibangou, ville de l'ouest du pays dont 69 habitants avaient été tués par des djihadistes présumés, le président Mohamed Bazoum avait demandé à la population de "compter sur l'armée" pour lutter contre la menace terroriste. Tout en affirmant comprendre ceux qui ont pris les armes pour assurer leur sécurité.