Au Mali, la dénomination djihadiste a été beaucoup plus employée vers 2012 avec l’occupation de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois principales régions du nord du pays, par le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Ançar Dine ou encore le MUJAO, deux groupes islamistes dont le combat portait sur l’imposition de la charia, la loi islamique.
Aujourd’hui, des groupes djihadistes comme la Katiba Macina d’Amadou Koufa, affilié à Al-Qaida et le GSIM sont encore actifs dans le pays.
Pour Mohamed Kimbiry du collectif des associations musulmanes du Mali, l’appellation djihadiste est une atteinte aux préceptes de l’islam.
"Le fait de donner le sens du terrorisme au djihad est un acte délibéré, c’est fait exprès. Le mot djihad signifie l’effort, c’est différent de la guerre. La guerre en arabe, c’est quital. Ceux qui l’utilisent le savent très bien, mais c’est une manière pour eux de noircir l’image de l’islam. Ils utilisent toujours le mot djihadiste. Regardez en Occident, il y a des gens qui n’ont aucun lien avec l’islam, mais quand ils commettent des attentats, leur cri c’est ‘’ Allahou Akbar ’’ ! En disant Allahou Akbar, cela oriente directement sur la communauté musulmane."
Des personnes manipulées
Al Hassan Bah du centre islamique de formation et de documentation estime que l’amalgame aurait été créé par ceux qui prônent le djihad et qui tuent au nom de la religion musulmane. D’après l’islamologue, ceux-ci ne sont pas des experts de la religion musulmane.
"Quand vous prenez Oussama Ben Laden, vous prenez Iyad Ag Ghaly ou encore Amadou Koufa, ceux-ci ne sont pas des spécialistes de la jurisprudence islamique. Ce sont des personnes qui ont été par-ci par-là manipulées et pensent qu’ils travaillent avec l’islam, alors que la majorité des grands oulémas (théologiens) de la jurisprudence islamique ne sont pas avec eux. Ils sont caractérisés par l’ignorance totale des textes. Ceux-ci peuvent connaître les textes de façon superficielle, mais ils ne sont pas considérés du nombre des oulémas qui peuvent donner des derniers mots par rapport à la jurisprudence islamique."
Si le terme "djihadistes" est majoritairement utilisé au Mali pour désigner les personnes susceptibles de commettre des attentats ou qui terrorisent les populations, les autorités emploient de leur côté, l’expression "terroristes" pour nommer aussi bien les groupes armés luttant pour imposer la charia, la loi islamique dans le pays, que ceux menant des actions en vue de leur indépendance pour faire allusion aux rebelles du nord.
Pour Bamako, ce sont des terroristes
Pour Alexis Kalembry, journaliste et éditorialiste à Mali Tribunes, l’usage de la dénomination "terroristes" par les dirigeants maliens se justifie.
"Pour certaines populations, le terme « djihadistes » passe comme légitime parce que quelque part relevant de la religion. Donc le fait de pouvoir déconnecter et dire clairement que ce n’est pas du djihadisme et les qualifier de terroristes, c’est un grand pas à mon sens. Ça aide à déconnecter, ensuite ça aide à faire la distinction entre ce que la religion prône et ce qui se fait chez nous. Donc oui, il faut parvenir à les appeler autrement, à les appeler par ce qu’ils sont, parce que ce qu’ils font c’est du terrorisme dans sa conception et son acception les plus nuisibles possible."
Du côté des groupes armés islamistes, on estime que les actions s’inscrivent dans le cadre du "djihad", pour disent-ils lutter contre la civilisation occidentale et ceux qui soutiennent celle-ci.