Bamako digère mal les propos d'Aminata Cheick Dicko à l'Onu
3 février 2023Haidara Aminata Cheick Dicko s'était exprimée le 27 janvier en tant que représentante de la société civile malienne, pour décrire la situation des droits de l’homme au Mali, lors d'une visioconférence devant le Conseil de sécurité de l’Onu.
Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, a aussitôt réagi à ces propos critiques en les qualifiant "d’instrumentalisation de la société pour des agendas cachés".
Procédure judicaire
Désormais, une procédure judiciaire est engagée contre Haidara Aminata Cheick Diop, qui est notamment vice-présidente de l’observatoire Kisal, une organisation qui documente les atteintes aux droits de l’homme dans les régions du centre du Mali et qui vient en aide aux victimes.
Lors de son intervention devant l’Onu, elle n’a pas épargné les paramilitaires russes qui collaborent avec l’armée malienne dans la lutte anti-terroriste.
"Qu’on se le dise, la présence des partenaires militaires russes aux cotés de nos forces armées et de sécurité, dont la bravoure est à saluer, est loin de faciliter les choses. Ces acteurs sont impliqués dans la commission de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Ces violences ont été documentées par des organisations de la société civile du Mali", avait-elle lancé.
"Propos honteux"
Souleymane Konaté, du collectif national des acteurs des marchés du Mali, une organisation de la société civile proche des militaires au pouvoir, se désolidarise de ces propos.
Pour lui, "la réponse d’Abdoulaye Diop nous a satisfait. Nous n’accordons pas d’importance à la personne même qui a tenu ces propos honteux devant les Nations unies. Ce sont propos qui rabaissent nos valeurs sociétales, notre honneur et l’intégrité de notre pays."
Le collectif pour la défense des militaires (CDM), également proche du pouvoir, a quant à lui porté plainte pour "usurpation du titre honorifique de la société civile malienne pour s’attaquer à notre vaillante armée et aux autorités", peut-on lire dans un communiqué.
Briser le silence
La célèbre chroniqueuse radio Coumba Bah, qui est également membre de la société civile, appelle pour sa part au calme.
Elle estime que "la justice doit faire son travail. Que chacune et chacun se réservent des insultes, se réservent de porter atteinte aux droits fondamentaux, à l’intégrité physique de la dame Dicko. C’est son droit de s’exprimer, c’est son droit le plus absolu, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas."
Des voix se sont également élevées pour louer le courage de Haidara Aminata Cheick Dicko. Certaines, contactées par la DW mais qui ont préféré garder l’anonymat, estiment qu’elle a dit "tout haut ce que beaucoup pensent tout bas".