La prudence d'Olaf Scholz face à la guerre en Ukraine
28 février 2023Depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a un an, le gouvernement allemand a été beaucoup critiqué pour ses prises de position prudentes. "Trop peu, trop tard", c'est le principal reproche formulé par Kiev à Berlin. Tandis que le chancelier Olaf Scholz continue, lui, de miser sur la mesure.
Une révolution stratégique
5.000 casques. C'est la première aide militaire proposée par l'Allemagne à l'Ukraine, avant l'invasion russe. Et puis la Russie attaque et, en quelques jours, l'Allemagne revient sur son principe de ne jamais livrer d'armes dans une zone en guerre.
Le discours d'Olaf Scholz du 27 février 2022 marque un véritable changement de paradigme :
"Avec l'attaque de l'Ukraine, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, déclare alors le chancelier allemand. "A Kiev, Kharkiv, Odessa et Marioupol, les habitants ne défendent pas seulement leur patrie. Ils se battent pour la liberté et la démocratie. Pour des valeurs que nous partageons avec eux. En tant que démocrates, en tant qu'Européennes et Européens, nous sommes à leur côté, du bon côté de l'histoire !"
Rapidement, Berlin décide de livrer des équipements militaires défensifs à l'armée ukrainienne : des missiles anti-chars, des systèmes de défense aérienne, des blindés.
Mais cette aide est toujours jugée insuffisante par de nombreux Ukrainiens.
Les amis de mes ennemis...
Dès le début de la guerre, des officiels ukrainiens reprochent à l'Allemagne la proximité de certains de ses dirigeants avec Moscou. Andrij Melnyk, le vice-ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine, écrit par exemple ceci :
"Durant les dernières décennies, l'actuel président Steinmeier a tissé tout un réseau de contacts avec la Russie. Beaucoup de personnes de ce réseau sont aujourd'hui proches du gouvernement de coalition."
Avant d'être président fédéral, Frank-Walter Steinmeier a été chef de la diplomatie allemande. Et lorsque le désormais numéro un de la République fédérale annonce son intention de se rendre en Ukraine, en avril 2022, Kiev refuse pendant plusieurs mois.
Ce camouflet refroidit les relations entre les deux capitales pendant quelque temps.
Et puis, en juin 2022, Olaf Scholz finit par se rendre en Ukraine, bien après plusieurs autres dirigeants occidentaux.
Augmentation de l'aide
Les livraisons d'armes allemandes commencent alors à augmenter et à faire la différence sur le champ de bataille.
Le gouvernement Scholz débloque des milliards d'euros d'aide financière et humanitaire pour l'Ukraine, vote des sanctions contre la Russie… et l'Allemagne accueille plus d'un million de réfugiés ukrainiens en un an.
L'un des problèmes majeurs de Berlin dans cette guerre, outre sa proximité géographique avec l'Ukraine et la Russie, c'est la dépendance de l'Allemagne aux livraisons de charbon, de pétrole et de gaz russes.
L'envolée des prix de l'énergie fait craindre aux autorités des mouvements sociaux, en Allemagne, à l'approche de l'hiver.
Après des mois de débats animés, Berlin a récemment consenti à envoyer les chars de combat Leopard que Kiev réclamait depuis longtemps. La Bundeswehr a également commencé à former des sous-officiers ukrainiens sur ce matériel allemand.
Avec plus de 5,4 milliards d'euros, l'Allemagne est, de loin, le premier contributeur européen d'aide bilatérale à l'Ukraine. (La France, en deuxième position, ne cumule que 1,41 milliards – chiffres établis par l'Institut d'économie mondiale de Kiel (IFW), sur l'aide promise entre février et novembre 2022).
Quasi-unanimité des partis
Dans le champ politique, seule une partie de l'extrême-droite et le parti Die Linke, à l'extrême-gauche, sont hostiles aux livraisons d'armes à l'Ukraine ; tous les autres partis sont favorables au maintien de l'aide militaire.
Les écologistes, traditionnellement pacifistes, font partie de ceux qui ont le plus fait pression au sein du gouvernement pour accélérer la livraison de chars.
Certains Allemands redoutent pourtant toujours que leur pays n'entre activement en guerre. Une pétition appelant à la fin de la guerre en Ukraine a recueilli près de 500.000 signatures en Allemagne.Hier [27.02.23], la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a répété, devant le Conseil de l'Onu aux droits de l'Homme, la solidarité de l'Allemagne avec l'Ukraine.
La chef de la diplomatie allemande a également dénoncé les violations des droits humains commises par l'armée de Vladimir Poutine, notamment le déplacement massif et systématique d'enfants ukrainiens dans les zones occupées par les Russes.