L'automne social s'annonce chaud en Allemagne
6 septembre 2022L'inflation touche aussi l'Allemagne depuis le début de la guerre en Ukraine. Dans l'Union européenne, les prix de l'énergie et à la consommation ont grimpé de près de 10% en moyenne depuis février, et de 7,9% en Allemagne. Une hausse encore loin des près de 20% enregistrés dans les pays baltes mais qui mécontente déjà fortement la population allemande – notamment les plus pauvres qui voient leur pouvoir d'achat diminuer sensiblement.
En signe de protestation, des partis et groupements d‘extrême gauche et d'extrême droite appellent désormais le lundi à des manifestations de masse, à Berlin et Leipzig. Malgré les 65 milliards d'euros de soutien financier annoncées par le gouvernement.
Des mesures contre l'inflation
Les courses au supermarché, le gaz, le fuel, l'électricité, le carburant… tout est devenu cher pour les Allemands aux revenus moyens.
Alors le plus petit groupe d'opposition au Bundestag, le parti de gauche die Linke, a appelé à des manifestations chaque lundi, sous le slogan: „Baissez les prix – l'énergie et la nourriture doivent rester abordables”.
Harri Grünberg, député die Linke, constate que "l'augmentation des prix plonge les gens dans la pauvreté". Il déplore que les prix de l'énergie aient été "multipliés par trois ou quatre. Alors les gens ne seront pas en mesure de payer la facture". Die Linke réclame donc au gouvernement de "lutter contre la guerre [en Ukraine] et rouvrir le robinet du gaz."
Le gouvernement d'Olaf Scholz assure que tout est mis en oeuvre pour éviter les coupures de gaz et de courant électrique. Il appelle déjà les particuliers et les entreprises à économiser l'énergie. Il va aussi débloquer 65 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes. Plusieurs millions de retraités recevront un chèque énergie de 300 euros et les étudiants obtiendront une aide de 200 euros.
Mais en octobre, une nouvelle taxe sur le gaz doit être introduite pour protéger les groupes énergétiques de la faillite.
Critiques à gauche et à droite
Les aides gouvernementales sont jugées insuffisantes et de premières manifestations ont eu lieu hier [05.09.2022] à Leipzig et Berlin, à l'appel de l'extrême gauche (die Linke) et de l'extrême droite (l'AfD, notamment).
Selon Tino Chrupalla, le porte-parole de l‘AfD, estime que "le gouvernement prend aux citoyens 1.000 euros dans la poche gauche et essaie de les consoler en leur rendant 200 euros dans la poche droite. C'est un bonbon que l'on jette au citoyen pour le faire taire."
Pour la coprésidente du parti die Linke, Janine Wissler, il s'agit d'initier une "protestation forte et pacifique" afin d'amener le gouvernement à infléchir sa politique, „en soulageant la population, en bloquant les prix et en taxant davantage les profits". C'est ce que confirme aussi cette manifestante, Maria Simon, hier, à Leipzig : "Je suis là pour manifester contre l'inflation galopante et je suis là pour que soient taxés les superprofits, et pour qu'on fasse quelque chose pour les petites gens. Par exemple de limiter les prix du gaz, ou de baisser, voire supprimer la TVA."
Dans le camp conservateur (opposition), Friedrich Merz, le president de la CDU, dénonce le manque de mesures en direction des PME et des classes moyennes. "Nous devons faire quelque chose pour les entreprises, la classe moyenne, le commerce de détail, qui luttent pour leur survie, dos au mur, ils ne sont pas pris en compte", déplore-t-il.
En tout, les aides annoncées par les autorités pour faire face à la crise de l'énergie s'élève à près de 100 milliards d'euros.
Le gouvernement envisage aussi de taxer les profits exceptionnels des entreprises énergétiques qui s'adonnent à la spéculation. Mais ce dernier point ne satisfait pas le parti liberal, qui fait partie de la coalition gouvernementale aux côtés du SPD et des Verts.
Pourquoi Leipzig ? Pourquoi le lundi ?
C'est à Leipzig, qu'avaient lieu les grandes manifestations pour réclamer la chute du régime communiste de RDA, en 1989.
En 2004, la gauche avait déjà organisé des manifestations du lundi en Saxe, contre les réformes de l'Agenda 2010, décidées par la coalition SPD/écologistes sous Gerhard Schröder.
Dix ans plus tard, en 2014, c'est Pegida, un mouvement xénophobe et islamophobe, qui a récupéré le slogan "Nous sommes le peuple” scandé en RDA en 1989. Pegida défilait aussi les lundis, pour protester contre l'ouverture des frontières allemandes par Angela Merkel, pour accueillir les réfugiés venus de Syrie, d‘Irak ou d'Afghanistan.Depuis, le mouvement a perdu de sa vigueur tout comme ceux qui marchaient le lundi pour protester contre les mesures anti-Covid.