Avis de tempête sur la ministre allemande de la Défense.
12 mai 2022Un mercredi au mois d'avril, peu avant le long weekend de Pâques. Christine Lambrecht se rend dans le Schleswig-Holstein, une région du nord de l'Allemagne pour rendre visite à un bataillon de l'armée allemande. Elle effectue le voyage à bord d'un hélicoptère de la Bundeswehr et elle est accompagnée de son fils, Alexander, 21 ans.
Jusque-là rien à dire ou presque : le fils n'accompagne pas sa mère auprès des soldats. Mais poste en revanche une photo de lui dans l'hélicoptère de l'armée sur son compte Instagram.
Une fois sa mission ministérielle accomplie, Christine Lambrecht et son fils passent une nuit à l'hôtel avant de partir le lendemain en voiture avec escorte sur l'île allemande de Sylt pour passer quelques jours de vacances en famille.
Frontière entre vie privée et vie publique
Même si, selon les indications de son ministère, Christine Lambrecht a pris soin de respecter tous les règlements en vigueur, s'acquittant aussi de la facture du vol de son fils, les critiques pleuvent depuis le début de la semaine.
"Utiliser la Bundeswehr à des fins privées et partisanes est inélégant" a fustigé par exemple le premier secrétaire des conservateurs au Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand.
"La ministre de la Défense devrait faire preuve de plus de tact et ne pas confondre la Luftwaffe (l'armée de l'air, NDLR) avec la Lufthansa (principale compagnie aérienne allemande, NDLR) a poursuivi Thorsten Frei.
"Le moment choisi pour les vacances de la ministre sur l'île de Sylt, en pleine guerre en Ukraine est déjà limite", a renchérit un dirigeant bavarois. Mais "que son fils se vante sur Instagram d'avoir pu voler dans l'hélicoptère du gouvernement (...) c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", a-t-il estimé.
Droit de réponse
Invitée mercredi (11.05.2022) sur la deuxième chaîne publique allemande ZDF, Christine Lambrecht a dit comprendre les critiques. Elle a aussi promis qu'elle tirerait les conséquences de cette affaire. Mais elle a également défendu sa vie privée, déclarant qu'il était important pour elle, en tant que mère, de garder le contact avec son fils.
Lars Klingbeil, le chef du parti social-démocrate - le parti de Christine Lambrecht - a de son côté tenté de voler au secours de la ministre. "Le droit à la vie privée ne s'arrête pas lorsqu'on accepte un poste de ministre" a-t-il estimé. "Tant que l'on respecte les règles et que l'on s'y tient, il n'y a pas de problème. C'est pour cela qu'il y a des règes" a-t-il encore rappelé.
Un faux pas de plus
Il n'empêche. Christiane Lambrecht n'en est en pas à sa première bévue. Et son fils pas à son premier déplacement. Selon les médias allemands, Alexander aurait effectué sept voyages avec sa mère - la plupart alors qu'elle était encore ministre de la Justice, sous le précédent gouvernement.
Certes, à chaque fois, ces voyages étaient payés de manière privé - mais à un tarif probablement en-deçà de la réalité et au fond, se demandent les commentateurs, avec quelle justification ?
Concilier sa vie de famille avec sa vie professionnelle ? Avec cet argument, Christine Lambrecht ne semble, pour le moment, pas convaincre ceux qui la critiquent et qui font remarquer qu'Annalena Baerbock, ministre des Affaires étrangères qui était il y a deux jours à Kiev pour discuter de l'invasion russe en Ukraine, n'a pas emmené ses deux filles, pourtant bien plus jeunes.
Pour un commentateur de la radio publique allemande, Christine Lambrecht éveille plutôt le soupçon d'avoir délibérément choisi de placer sa visite aux troupes dans le Schleswig-Holstein, autrement dit le plus près possible de son lieu de vacances.
Mauvais timing
L'affaire tombe on ne peut plus mal pour une ministre déjà sous le feu des critiques ces dernières semaines du fait des atermoiements du gouvernement allemand vis à vis de l'Ukraine. Sans compter qu'en février dernier, elle avait déjà essuyé des sarcasmes en annonçant l'envoi de 5.000 casques militaires alors que Kiev réclamait des armes lourdes.
Et puis selon la tournure que prendra cette affaire, elle pourrait de nouveau fragiliser le chancelier Olaf Scholz : début avril, le chef du gouvernement allemand avait déjà dû se séparer de sa ministre de la Famille, critiquée pour être partie en vacances peu après les inondations dévastatrices de juillet 2021 en Allemagne.