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L'Etat allemand doit-il financer une fondation de l'AfD ?

Sandrine Blanchard | Marcel Fürstenau
10 novembre 2023

Le Bundestag se penche sur un projet de loi destiné à encadrer le financement des fondations politiques. Le texte définit des critères de respect des valeurs fondamentales de l'Allemagne pour accorder des subentions.

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Logo du parti AfD avec la silhouette d'un délégué du parti, en août 2023
L'AfD voudrait que l'Etat finance aussi sa fondation politique : Desiderius-ErasmusImage : Klaus-Dietmar Gabbert/dpa/picture alliance

Le Bundestag doit décider ce vendredi [10.11.23] de l'adoption d'une loi qui encadre le financement, par des deniers publics, des fondations politiques.

En Allemagne, ces fondations ont pour la plupart été créées dans l'après-guerre, avec pour objectif de rapprocher les citoyens de la vie politique. Souvent, elles sont proches de partis représentés au Parlement mais juridiquement indépendantes d'eux.

Affiches électorales dans la rue, en octobre 2023, lors de la campagne des régionales en Hesse
Tous les partis représentés au Bundestag disposent d'une fondation politique qui leur est proche et reçoit des subsides de l'EtatImage : Florian Gaul/greatif/IMAGO

Le problème au cœur de la loi discutée concerne une fondation en particulier : la Desiderius-Erasmus-Stiftung (DES), proche de l'AfD (Alternative für Deutschland).

Est-ce que l'Etat allemand peut et doit financer cette structure proche de l'extrême-droite ?

Les fondations et la politique étrangère

Les fondations politiques allemandes sont financées principalement par de l'argent public, au prorata du nombre d'élus de ces partis au Parlement. Ces financements étatiques s'élèvent à des centaines de millions d'euros par an.

Le SPD social-démocrate, les conservateurs de la CDU/CSU, les Verts, les libéraux du FDP et même le parti de gauche Die Linke disposent tous d'une fondation proche de leurs convictions politiques qui œuvre aussi à l'étranger grâce à des bureaux implantés dans le monde.

Photo de la Cour constitutionnelle lors du jugement de l'affaire Desiderius-Erasmus-Stiftung (février 2023)
La Cour constitutionnelle renvoie la balle au ParlementImage : Jens Krick/Flashpic/picture alliance

Les plus anciennes sont les fondations Friedrich-Ebert (SPD) et Konrad-Adenauer (CDU). Mais les autres aussi : Hanns-Seidel (CSU), Heinrich-Böll (Verts) et Rosa-Luxemburg (Die Linke) prennent part à la politique étrangère et travaillent en contact étroit avec les ambassades allemandes.

Cependant, c'est une nouvelle venue dans le paysage des fondations qui fait tiquer une partie de la classe politique : la fondation Desiderius-Erasmus. Proche du parti d'extrême-droite AfD, cette fondation ne reçoit pour l'instant aucun financement public.

Recours de l'AfD

S'estimant lésée, l'AfD a déposé une plainte devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci a rendu son verdict en février 2023 : la non-prise en compte de la Fondation Desiderius-Erasmus porte atteinte au droit de l'AfD à l'égalité des chances dans le paysage politique.

Néanmoins, on ne peut pas déduire de cette décision un droit automatique de toute fondation à des millions d'euros de financement public. En effet, il a été demandé aux politiques de mettre en place une loi sur le financement des fondations proches des partis.

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Jusqu'à présent, il n'en existait pas. Et c'est au Parlement qu'il revient d'en définir le contenu.

Défense des valeurs démocratiques

Le projet de loi déposé par quatre des six groupes parlementaires représentés au Bundestag prévoit qu'une fondation politique ne puisse être financée par l'Etat que si elle œuvre activement à la défense de l'ordre démocratique et des libertés, ainsi que pour la compréhension entre les peuples – autant de valeurs fondamentales de la République fédérale allemande.

Le cœur du problème est donc maintenant de déterminer si la fondation proche de l'AfD remplit ces critères. Et qui devra en juger : le ministère de l'Intérieur ? Des experts indépendants ?

Certains élus d'extrême-droite dénoncent un texte anticonstitutionnel car cousu sur mesure pour mettre des bâtons dans les roues de l'AfD.

Une députée de gauche, Clara Bünger, leur rétorque qu'au contraire, cette loi fera date, pour servir à l'avenir de "rempart contre les idéologies racistes, complotistes et antidémocratiques" défendues par certains jusqu'au cœur du Bundestag.