Abiy Ahmed attaqué au sein de sa propre ethnie
24 octobre 2019"Dégage Abyi" scandent les manifestants dans plusieurs villes du pays, dans ce qui était jusqu'ici inimaginable. Tout semble parti d'un message sur Facebook de la part de Jawar Mohammed, fondateur du média d'opposition Oromia Media Network et membre de l'ethnie oromo comme Abiy Ahmed. Il a déclenché la panique au sein de ses partisans quand il a accusé Abiy Ahmed de préparer une attaque contre lui. Mais ces troubles auraient une partie de leurs origines ailleurs.
Menace pour l'Ethiopie
D'après Ludger Schadomsky le directeur de la rédaction amharique de la DW, "ces miliciens ont porté Abiy Ahmed, le Premier ministre réformiste, au pouvoir, grâce à leurs manifestations publiques. Et plus d’un an après, ils adoptent la position inverse. Ils sont très déçus par l’action du Premier ministre. Beaucoup sont toujours au chômage, l’espace politique n’est pas si important que ce qui avait été promis. Et il y a même des voix qui pensent que ces miliciens oromo pourraient amener le mandat du Premier ministre à s’interrompre prématurément".
Prix Nobel de la Paix
Si Abiy Ahmed jouit d'une certaine reconnaissance à l'extérieur du pays, ce n'est pas forcément le cas au sein de la population en Ethiopie comme l'explique René Lefort, spécialiste de la Corne d’Afrique. "Sur les réformes intérieures, elles avaient été décidées avant qu'il arrive au pouvoir", explique l'expert.
"Ce qu'Abyi Ahmed a apporté, c'est qu'il a mené ces réformes plus loin et plus vite que prévu. Mais en même temps, il l'a fait d'une façon si désordonnée, qu'il a une part de responsabilité dans les désordres actuels en Ethiopie", souligne René Lefort.
Par ailleurs, ces troubles s'expliqueraient aussi par le fait que certaines voix critiques assurent que le Premier ministre voudrait créer son propre parti en vue des élections générales de mai 2020. "Je pense qu’il fait une erreur de calcul parce que je ne pense pas qu’il réunira autour de lui un nombre suffisant de dirigeants politiques ou de forces politiques pour avoir un parti assez fort pour ses ambitions", pense encore René Lefort.
Les manifestations de ces jours-ci font en tous cas craindre un regain de tensions intercommunautaires après les violences mortelles de fin 2015. Sévèrement réprimées par les forces de sécurité, elles avaient fait au moins 400 morts selon l’ONG Human Rights Watch. De quoi faire dire à certains que le prix Nobel de la Paix décerné au Premier ministre Ethiopien était prématuré.