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60 ans d'indépendance au Cameroun : un jour comme les autres

Henri Fotso
30 décembre 2019

Au Cameroun, aucune cérémonie n’est prévue pour commémorer les 60 ans de l'indépendance au point d'être un non-événement.

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Un marché à Yaoundé
Un marché à YaoundéImage : picture-alliance/Bildagentur-online/AGF

"Douala, c’était vraiment la guerre" (Enoh Meyonmesse)

Nous sommes en mars 1959. L’Assemblée législative du Cameroun préconise la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960.

Ce projet est formulé dans un contexte de débat houleux : pour l’UPC, l'Union nationale des populations du Cameroun, un mouvement nationaliste dirigé par le Dr Félix Roland Moumié, la réunification entre le Cameroun français et le Cameroun anglais doit précéder l’indépendance.

Mais pour le premier ministre de l'époque, Ahmadou Ahidjo, l’indépendance est l'objectif premier, quitte à parvenir à la réunification par la suite. L’affaire est portée aux Nations unies et l’Onu adopte une résolution accordant l’indépendance au Cameroun français.

Roland Félix Moumié crée alors l’Armée de libération du Cameroun en mai 1959, comme le rappelle l’écrivain Enoh Meyonmesse :

"Ils estimaient que l’indépendance  était une fausse indépendance. Eux, ils voulaient la vraie indépendance. C’est pourquoi ils ont déclenché cette guerre pour dire 'il n’y aura pas d'indépendance'. Lorsque les cérémonies se sont déroulées, l’UPC et Moumié en tête ont pris une autre résolution dans laquelle ils disaient qu’ils vont rendre le Cameroun ingouvernable."

"C'était vraiment la guerre"

C’est donc le début de la guerre d’indépendance du Cameroun, alors que les militants de l'UPC sont déjà pourchassés et tués depuis plusieurs mois.

Cette guerre oppose l’Armée de libération constituée des militants de l'UPC à l’armée coloniale française.

C’est ainsi qu’Enoh Meyonmesse qui vivait à Douala avec ses parents, s’en souvient :

"Douala, c’était vraiment la guerre. Ça rappelle un peu ce qui se passe en ce moment au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun. La violence était inouïe. Moi, tout gosse, j’étais habitué à voir les têtes tranchées, à voir les corps ensanglantés dans les rigoles le matin. C’était quelque chose de devenu banal à Douala."

Une statue du général Leclerc à Douala vers 1955.
Une statue du général Leclerc à Douala vers 1955.Image : Getty Images/Three Lions/Hulton Archive

La nuit du 31 décembre 1959 au 1er janvier 1960 est féroce dans l’actuelle capitale économique. Toute la nuit, des tirs retentisent dans la ville.

Mais l’indépendance est proclamée depuis Yaoundé par Ahmadou Ahidjo, raconte Enoh Meyomesse, qui se souvient de l'explosion de joie dans tout le pays lors de la lecture du discours d’indépendance, diffusé en direct par Radio Douala, la première radio du Cameroun. 

Un souvenir lointain

Ce témoignage de l’écrivain recoupe celui de l’entrepreneur culturel Luc Delors Yatchokeu, qui vivait avec ces parents  à Mbanga, à une heure de voiture de Douala :  

"J’ai plutôt un souvenir lointain de la nuit du 31 décembre qui devait déboucher sur le  1er janvier, jour d’indépendance. Je me rappelle que devant chez nous, parce que la maison paternelle est en bordure de route, il y avait un grand défilé militaire. Alors les gens passaient, il y avait des bruits de bottes, ainsi de suite. Nous sommes sortis parce qu’il y avait des youyous, des cris qui les accompagnaient, pour voir ce qui se passait.’’

C’est dans cette ambiance que le tout premier président du Cameroun arrive à Douala le 2 janvier pour présider le défilé marquant l’indépendance, après le défilé de la veille à Yaoundé.

Il continue ensuite sa tournée à Garoua, dans sa ville natale du nord. M. Yatchokeu rappelle que pendant les premières années d’indépendance, le 1er janvier était fêté au Cameroun non pas seulement comme le jour de l’An, mais surtout comme le jour de l’indépendance.

Il regrette que le jour de l’indépendance soit aujourd’hui un non évènement au Cameroun.

Par ailleurs, beaucoup de Camerounais continuent de pleurer les nombreuses vies humaines perdues pendant la guerre d’indépendance et les années qui ont suivi 1960.

"Douala, c’était vraiment la guerre" (Enoh Meyonmesse)

Henri Fotso Correspondant au Cameroun pour le programme francophone de la Deutsche Welledwfrancais